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© Photos : MJX, sauf indication contraire.
Le saoul sous-comité des francophones de Houston a organisé sa première sortie le week-end du 10-11 février 1996 dans l'île de Matagorda. Ou était-ce Margarita ?
Matagorda est une île à l'Est de Java, mais alors vraiment très à l'Est, bien plus à l'Est que Krakatoa, célèbre île volcanique. En fait Matagorda est aussi peu volcanique que mon jardin.
Une avant-garde, constituée des Grosjean et des Muller était partie la veille pour s'assurer que les paras qui occupaient l'île pendant la seconde guerre mondiale avaient bien fini leurs exercices de tir et que les animaux féroces qui hantent généralement des lieux aussi reculés n'étaient que pure légende.
Les autres, les Marissaux et les Jauniaux, moins téméraires, après s'être manqués dans les embouteillages de Sugar Land, sont arrivés le vendredi soir au seul motel du coin ( Port O'Connor, rapidement rebaptisé Port aux Connards ), avec les surprises du vendredi soir.
Après s'être rassasié avec quelques margaritas, le dîner fut pris dans le seul restaurant mexicain du coin. Le vin et la margarita nous avaient suivi. Heureusement car on n'y servait que de l'eau et des sodas.
La soirée se termina dans la chambre des Grosjean, au grand désespoir des voisins mexicains et de l'hôtelier qui voulaient dormir ( à 2 heures du matin, quelle idée !)
C'était en effet à peu près l'anniversaire de pratiquement tout le monde : Carine, Georgette, Daniel et Christian.
Il y avait un gateau et des bougies pour chacun, du champagne pour tous et des cadeaux pour commémorer cet événement.
Le patchouli a ravi. Les bigoudis ont mis en plis. Les autres ont cédé aux CD rhum. Le joli z'oiseau de lapis lazuli n'a pas supporté le voyage.
Le lendemain pas trop matin, le petit déjeuner fut pris sur la terrasse des Grosjean, dans le froid et le brouillard, avant la grande expédition à Matagorda. Ou était-ce Mata-Hari ?
On s'y rend à la nage, ou en bateau, c'est plus pratique en empruntant l'Intracostal Waterway, qui comme son nom ne l'indique pas est un immense canal à bateaux de toutes catégories.
L'île est parfaitement plate. Malheur aux amateurs de montagne! Certains endroits sont encore plus plats que les autres, ce sont les pistes d'atterrissage des anciens paras.
Les cyclistes partirent les premiers vers l'inconnu. Les autres prirent le seul véhicule à moteur de l'île, un vieux camion à bestiaux.
Le point culminant est un vieux phare en fonte, édicule parfait pour les cormorans, qui passent très vite sur les corps mourrant qui trépassent vides. Comble de la vexation pour un grimpeur de n'importe quoi comme moi, l'ascension de l'escalier était interdite pour des raisons d'hypersécurité, et l'ascenseur était inexistant.
Les vaillants cyclistes et les tout aussi vaillants piétons se dirigèrent en zig-zag vers la mer.
Quelle brume ! On sentait la mer d'ici, on ne la voyait pas.
Il aurait pu neiger, ou on aurait pu être pris dans une tempête de sable. Non, nous étions dans une purée de pois diaphane du plus bel effet.
Tous les marins du golfe semblaient avoir jeté leurs détritus sur cette magnifique plage de sable fin. Que de trésors pour des robinsons tels que nous! Il y avait là des cordages multicolores en polypropylène, des bouteilles de whisky vides, de la vaisselle sale, des morceaux de plastique, et de bois peu exotique.
Les cocotiers, morts bien entendu, étaient comme des spectres au bord de leur tombeau.Les oiseaux et les ramasseurs de coquillages ressemblaient à des fantômes, des ectoplasmes, ou à des vampires, selon vos lectures favorites.
Certains ont lancé des cerfs-volant, d'autres des cerfs-non-volant.Des tas d'objets tombaient du ciel : les cerfs-volant, sus-mentionnés, un boomerang en polymère rouge. Une noix de coco, transformée en ballon de football, a même failli faire éclater la tête de Josette.
Les trois vélos ont disparu pour un temps dans la brume.
Vers les 3 heures 30, le camion à bestiaux est venu nous récupérer. Le chauffeur avait un sourire bizarre.
Nous nous étions éloignés de quelques mètres du rivage que le soleil radieux des plus beaux jours tropicaux réapparaissait à nos yeux éblouis.Nous étions restés tout l'après-midi dans la seule partie de l'île embrumée.Malgré cela, certains ont réussi à attraper des coups de soleil.
Tous ont ramené des gorges enrouées, des cathares et des rhumes, des virus et des microbes. Ah ! La thalassothérapie !
Le retour sur la terre ferme se refit en bateau, le même qu'à l'aller.
Sur l' Intracostal Waterway et sur ses rives, le brouillard du matin s'était levé et laissait se dérouler sous nos yeux hagards la valse des affreuses barges de benzène et de gravier, mais aussi celles des dauphins, et, dans les airs, le va-et-vien des pélicans jaunes, gris ou bruns selon leur état civil, et parfois roses, mais alors uniquement après avoir forcé sur la margarita.
Le soir, fatigués mais toujours aussi joyeux et après avoir bu quelques traditionnelles margaritas, nous prîmes cette fois le dîner dans le seul restaurant potable de la région.
Les clients, endimanchés pour la circonstance, nous ont vu arrivés avec effroi.
Il y avait de quoi. On devait sentir encore la mer d'ici. Etions-nous des marins, des naufragés ou des naufrageurs ? On parlait fort français et fort mal anglais. Etions-nous évadés de Cayenne ou simplement Martiens ? On trinquait violemment, au point de casser les verres à pied et les pieds des autres hôtes. La serveuse horrifiée malgré l'espoir de recevoir un bon pourboire, s'était empressée de nous remettre l'addition et de nous indiquer la sortie.
La soirée se termina comme d'habitude dans la chambre des Grosjean, au grand désespoir des voisins mexicains et de l'hotelier qui voulaient dormir ( à 3 heures du matin, quelle idée !). On reprit des gâteaux et de la margarita dont on avait eu la bonne idée de faire le plein.
Le lendemain encore moins matin, le petit déjeuner fut repris sur la terrasse des Grosjean, dans le froid et le brouillard, avant le retour vers la civilisation.
On se souviendra encore longtemps du bon temps que l'on a pris à Matagorda. Ou était-ce à Makhatchkala ? Non, ça c'est au fin fond de la Sibérie.
Marc JAUNIAUX
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